Interview musique / OWLLE

Les ­américains de Netflix ne s’y sont pas trompés en misant sur la Cannoise qui place plusieurs de ses titres dans l’incontournable série Emily in Paris. Rencontre avec une artiste définitivement WAG!

l'artiste française Owlle, entendu dans Emily in Paris
Owlle

Folle Machine est votre troisième album. Celui où vous dîtes vous ­présenter pour la première fois au public. Que dévoile t-il de si ­particulier?
Il a ceci de particulier qu’il est mon ­premier album écrit en français. J’ai le ­sentiment d’aborder les thématiques de manière bien plus intime, plus crue. Je m’y dévoile bien plus. Par exemple, j’ai un humour très décalé que le public ne connaît pas forcément. On le devine sur Folle Machine ce qui n’était pas le cas dans mes deux ­premiers albums. J’y étais plus ­énigmatique. C’était une ­posture que je revendique d’ailleurs. Assumée… elle ­correspondait aussi à un moment de ma vie. Là j’ai clairement tourné une page…

Ecrire en français a-t-il été un exercice périlleux?
On m’a souvent poussé à le faire par le passé mais cela ne m’était pas naturel, ne correspondait pas à mes envies d’alors. Et puis j’ai écrit Mirage pour une artiste… j’étais en studio et pendant l’écriture je me suis dit que cette chanson était pour moi. J’ai alors commencé à écrire bien plus en ­français, à broder pour quelques ­artistes. À prendre confiance surtout. J’ai le sentiment que ma langue ­maternelle apporte bien plus de nuances à mes propos. Je me suis aussi rendue compte que les chansons que j’ai écouté enfant, par l’entremise de ma mère, ont laissé pas mal de traces. Je pense à Mylène Farmer dont ma mère était fan et dont j’appréciais beaucoup les shows et surtout les textes aux phrases abstraites, mais qui savent en dire long. Je pense aussi aux albums de Céline Dion écrits par Goldman à l’écriture simple et limpide. L’aspect ­international de ma carrière naissante a occulté tout cela, mais je me rends compte que cet héritage ­musical est ­présent en moi. Ca ressurgit là.

Owlle / Le goût de la fête

Folle Machine reste cependant fidèle à votre univers dream pop, comme vous l’appelez. Après 10 années dans la musique, quelles seraient les évolutions ­notables de votre art?
10 ans déjà, oui! Ça fait vraiment bizarre de se l’entendre dire… Incontestablement je me suis affirmée durant cette décennie. Dans l’approche visuelle, dans l’écriture des textes et tout ce qu’il y a autour, j’ai beaucoup appris et ­j’apprends toujours. Sur mon image, ce qu’elle véhicule. Je m’améliore aussi. Je l’espère tout au moins et je prends confiance en moi. Les années m’ont apporté tout cela. Et puis surtout je me sens bien moins stressée, je prends plus de plaisir à exercer mon métier.
Vous dîtes que cet album est le résultat d’un “beau chaos intérieur“, fruit de ruptures personnelles et ­professionnelles. Sans indiscrétion, qu’est-ce qui a motivé ce séisme?
Professionnellement je ne me retrouvais plus dans la major où j’avais signé. La bienveillance des débuts s’était comme délitée. Je n’éprouvais plus de plaisir à faire mon métier ce qui pour moi est vraiment un drame. J’en étais à me demander si je devais poursuivre dans la musique, tout au moins de cette manière. Je suis une artiste très investie, qui déploie énormément d’efforts et je trouvais que les résultats étaient tellement légers face à ma ­ferveur. Bref ça ne vibrait plus en moi. J’ai alors pris du repos et du recul.
Parallèlement il y a eu une rupture amoureuse que j’ai vécu là aussi comme un abandon. Sans parler de la ­disparition tragique de Philippe Zdar avec qui j’entamais une ­heureuse collaboration au sein de son groupe Cassius. Mais ces évènements négatifs ont malgré tout provoqué un réveil. J’y ai trouvé le moyen de me relever. À bras le corps. J’ai monté ma boîte, j’ai retrouvé le kiff de créer. En fait la ­version française d’Owlle est une sorte de reboot.

Je parlais de 10 ans de carrière. Vous êtes un peu ­l’électron libre de la pop française. Reconnu et ­apprécié, convoité, mais jamais starifié… vous vous sentez où sur l’échiquier de l’industrie musicale ­française?
Whoua… difficile de répondre à cette question. Clairement je ne suis pas Juliette Armanet ou Clara Luciani qui me connaissent bien par ailleurs. Je n’ai pas les mêmes lumières sur mon travail mais le milieu de la musique connait parfaitement mes productions. Il me suit. Dans ma pénombre, je produis des choses qui m’apparaissent ­importantes et j’ai le sentiment d’apporter ma pierre à l’édifice. Une carrière est une longue histoire, j’ai écrit à ce jour 3 chapitres. Quelle sera la suite alors? Et puis j’ai toujours eu ­l’habitude de ne pas faire comme tout le monde, de ne pas être dans une case. Je pense que ce serait au public de me dire ­plutôt où il me situe sur cet échiquier, non?

Owlle en version française, artiste 2022
Owlle

Vos collaborations avec les séries TV Skam et Emily in Paris participe également à votre singularité et ont mis une belle lumière, justement, sur votre travail. Comment cette aventure a débuté?
La réalisatrice et la monteuse de SKAM m’ont contacté. Je ne connaissais pas cette ­œuvre et quand j’ai découvert de quoi il en retournait j’ai foncé. De composer la musique de la 7e saison de cette production française a été une superbe expérience. Les titres Mirage et Sounds Familiar n’étaient même pas encore ­synchronisés que la production souhaitait les ­intégrer. Concernant la série ­américaine Emily in Paris sur Netflix, eux aussi m’ont contacté et m’ont demandé de leur adresser 3 titres. Ils ont aimé les 3 et les ont intégrés au gré des épisodes.
Pour moi, c’est un comble d’écrire enfin en français et de voir ses titres intégrer une production anglophone, non? À l’international cette collaboration a mis la lumière sur mon travail. Les écoutes ont monté en flèche; le projet Folle Machine est du coup très bien porté. Quel bonheur tout de même, ce qui m’arrive après tout ce chaos traversé!

L’artwork de l’album est résolument arty. Il résulte de votre collaboration avec Gourau & Phong. Comment a-t-il été pensé?
J’ai repéré Gourau & Phong sur Instagram. Leur univers m’a de suite charmé, notamment ce travail sur la 3D quand bien même à la base je ne suis pas très cliente de la 3D glossy, un brin froide souvent utilisé dans le milieu electro. Mais là j’ai tout de suite été interpellée. Nous avons travaillé sur plusieurs mois et ce travail au long cours nous a permis de réaliser une solide et sincère ­collaboration. Je les ai guidé sur mes envies, mes ­références. Notamment le rocher du clip Mirage. Ils ont respecté tout cela et m’ont aussi apporté des idées ­sublimes. Je pense à l’hippocampe qui débarque de nulle part. Ils ont compris l’univers surréaliste que je souhaitais insuffler à ce 3e opus. C’est une sorte d’adresse qui vous dirait: “Welcome to my world “.

Owlle / La flemme

Et sur scène, ça va donner quoi?
Et bien justement nous y travaillons avec Gouraud & Phong. Musicalement la proposition tendra vers le ­minimalisme mais l’hybridité sera de mise. Nous sommes en train de concevoir une structure qui pourra évoluer tout au long du live et en fonction des salles que traversera la tournée. Nous allons diffuser beaucoup d’images ­numériques. Le live est un moment ultra important pour moi, un rendez-vous avec le public dont j’ai hâte.

Propos recueillis par Cédric Chaory
Folle Machine – Owlle (BMG)

Owlle, l’album.