Association : GREY PRIDE
Dans l’histoire de notre communauté LGBT, j’appartiens à une génération qui a eu la chance d’avoir devant elle, une autre génération de militants qui ouvrait les portes du placard et celle de l’égalité des droits… Les plus jeunes générations ont certainement l’impression que beaucoup est déjà acquis lorsque l’on évoque les thèmes qui touchent le public LGBT. Pourtant, ces combats et ces avancées sociétales sont bien récentes, une quarantaine d’années au maximum. Il n’y a qu’à regarder la question du grand âge et, plus généralement celle de la vieillesse, pour se rendre compte que dans ce domaine presque tout reste à faire. Heureusement les pionniers de nos luttes LGBT sont toujours là avec leur dynamisme. Cette génération arrive en masse dans cette période de la vie que l’on s’était toujours caché, la vieillesse.
GreyPRIDE est l’association de ceux qui ne veulent pas que cette nouvelle page de leur vie rime avec “retour au placard“. Wag a posé ses questions à Claude Perquin, responsable de l’antenne Côte d’Armor de l’association GreyPRIDE. Il nous en dit plus sur l’association qu’il défend.

Bonjour Claude, peux-tu revenir, pour nous, sur l’origine de GreyPRIDE. Qui a fondé l’association au niveau national et dans quel contexte?
C’est Francis CARRIER qui est à l’origine de l’association. Il est parti du constat de l’invisibilité de tous les vieux et vieilles de la communauté LGBT+. Plus largement, il a fait le constat du tabou de la sexualité et des besoins affectifs de tous les vieux quelque soit leur orientation sexuelle.
Pour les vieux LGBT+ c’est aussi l’impossibilité de raconter son histoire, sa vie.
Tout cela parce qu’on ne considère les vieux que comme des objets de soin en les amputant de tout ce qui fait leur identité. Cette maltraitance est à l’origine de la négligence de soi, à la perte de l’envie de vivre, puisque ce qui fait le désir de vivre est progressivement oublié de ceux et celles qui vous accompagnent.
En quoi GreyRIDE est-elle une association à la croisée de plusieurs luttes?
Effectivement GreyPRIDE est à la croisée de plusieurs facteurs de discriminations : agisme, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, la séropositivité des vieux et le tabou de la sexualité en général. On voit très bien que l’on a beaucoup de mal à se préoccuper des vieux parce que la vieillesse fait peur. Les vieux se sont toujours les autres! Ainsi le déni de la vieillesse est à l’origine d’une délégation de l’organisation aux politiques, au secteur médical et maintenant au secteur privé à but lucratif.
Mais on est sur le même logiciel qu’à l’époque des asiles qui recueillaient des indigents. Même si le décorum a changé, les vieux sont considérés comme à protéger en faisant abstraction de leurs choix, de leurs désirs…
Avec l’âge, le risque de l’isolement est grand. Pourquoi est-il si important de lutter contre?
530 000 vieux de plus de 60 ans sont en situation de mort sociale selon le dernier baromètre des Petits Frères des Pauvres et 3 millions souffrent de solitude.
La solitude qui devient isolement puis abandon est à l’origine de toutes les difficultés que l’on rencontre en perdant peu à peu de son autonomie. Les échanges intimes, le soutien bienveillant, la solidarité, ne sont pas les missions des personnes qui sont payées pour vous rendre des services infirmiers, de soi, d’entretien… Ainsi on ne trouve plus aucune utilité à vivre, perte du désir de vivre, plus de rôle social…
Beaucoup de vieux vont avoir comme seul échange le pharmacien chez qui ils vont porter leur ordonnance de médicaments!

Qu’entend-on par auto-isolement, quels sont les symptômes qui doivent nous avertir?
L’auto-isolement est une stratégie de défense. Lorsqu’on est en situation de fragilité et que l’on craint d’être encore confronté à des personnes qui porteront des jugements sur votre orientation sexuelle, votre identité de genre, vous essayez de vous tenir à l’écart et ainsi vous rendre invisible en espérant que personne ne viendra vous repérer.
Mais l’apprentissage de l’auto-exclusion commence très tôt. Quand, aprés la cinquantaine, une femme devient transparente dans la sphère publique, elle comprend vite qu’elle n’est plus un corps désiré, et ainsi elle trouvera d’autres raisons pour continuer à bien s’habiller, aller chez le coiffeur: c’est pour moi, dira-t-elle. Même chose pour les gays qui sur des applis de rencontre vont recevoir des messages du style “Je suis pas gérontophile“ en s’adressant à un plus jeune qu’eux.
Peu à peu on devient ce que notre environnement souhaite voir de nous. Une vielle femme est réputée asexuée et un vieux qui exprime encore des désirs sexuels sera vite catalogué comme vieux-pervers!
Quel est le rôle de GreyPRIDE et quels sont les activités de l’association?
GreyPRIDE doit faire comprendre qu’il n’y pas d’âge pour aimer ou être aimé. Bien au contraire c’est quelque chose qui doit aider lorsqu’on vieillit. Lutter contre tous ces tabous, c’est le but du plaidoyer de GreyPRIDE. En 5 ans, d’une non-question, on est parvenu à une évidence: respecter l’intégrité et la diversité des vieux.
Travaillez-vous sur des sujets comme l’habitat collectif, la dépendance…?
Nous avons ouvert un premier appartement partagé sur Paris sur un principe de cooptation. Ces lieux doivent se construire sur l’envie de vivre ensemble, et donc l’aspect affinitaire des personnes souhaitant vivre ensemble est déterminant d’un projet solidaire dans le temps.
Nous déployons aussi un label, une démarche, “GreyPRIDE Bienvenue“ pour toutes structures accompagnant des vieux en perte d’autonomie, pour former les salariés de ce secteur à la diversité et à la nécessité de la prise en compte des besoins affectifs, sexuels des vieux. La prise en charge des besoins fondamentaux n’est pas suffisante. Qui que nous soyons nous ne pouvons nous contenter de manger, dormi, avoir des activités de niveau colonies de vacances. Le désir de vivre se maintient si l’on respecte les individus dans leur globalité.

Pendant longtemps, notre communauté a oublié qu’un jour ses membres, eux aussi, seraient vieux. La situation évolue-t-elle selon toi?
Peu! Aussi bien dans la société en général que dans la communauté LGBT+ on doit être jeune, rester jeune, toujours jeune! Le déni de la vieillesse est omniprésent et empêche la construction d’un environnement dans lequel nous serions partie prenante pour vieillir dans l’environnement que nous souhaitons.
L’association GreyPRIDE se développe de plus en plus en régions, comme cette antenne Costarmoricaine. Pourquoi t’es-tu lancé personnellement dans cette aventure?
Lors de notre installation à Saint Brieuc en février, nous n’avons pas trouvé d’associations qui prennent en compte les spécificités des séniors LGBTQI+. C’était pour moi tout naturel de créer ce groupe, d’écouter et d’aider les personnes comme nous, de créer des moments de convivialité. J’ai d’abord créé un groupe faceboock, mais très vite je me suis aperçu que beaucoup n’avaient pas le net et encore moins de compte facebook, J’ai contacté la presse locale, les appels et les contacts sont arrivés, J’ai ouvert une permanence téléphonique tous les mercredis de 14h30 à 17 heures. J’ai mesuré comment l’isolement était un fléau dans notre milieu rural et que les personnes avaient besoin de se rencontrer et d’échanger, J’ai commencé à organiser des rencontres conviviales et des balades qui sont aujourd’hui mensuelles. C’est un plaisir pour moi, d’accueillir de nouveaux membres qui font partie de tous les genres de notre communauté, mais aussi nous tendons la main à toutes et tous ceux qui sont ouverts aux causes que nous défendons. Nous sommes aussi très réceptifs au dialogue intergénérationel. Nous participons maintenant aux réunions et manifestations organisées par la municipalité de Saint Brieuc, et nous, tissons un lien avec les associations locales. Nous sommes fortement impliqués dans la vie associative locale. Nous participerons à la création prochaine d’un collectif LGBTQI+ et contre les discrimitations. Nous avons le projet de créer la première Gay pride à Saint Brieuc en 2022.

Quels sont les projets de GreyPRIDE pour 2022?
2021 a été une année riche en évènements pour GreyPRIDE ? Nous sommes reconnus association d’intérêt général. Nous siégeons à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’autonomie et avons ouvert à Paris notre premier appartement partagé. Celui-ci offre une autre solution pour les séniors LGBTQI+ qui ne souhaitent pas aller en maison de retraite ou en EHPAD. Nous avons créé un Label GreyPRIDE pour le respect des besoins affectifs, la sexualité et la diversité des personnes âgées.
2022 verra le déploiement de ces activités sur le territoire nationale. Nous nous appuierons sur nos réalisations pour répondre aux demandes.
Nous continuerons la mise en place de nouveaux groupes et de nouvelles antennes locales et régionales.
Qui peut vous rejoindre et comment?
Nous sommes ouverts à toutes et à tous qui respectent notre identité et partagent nos convictions, Notre priorité va vers les séniors de la communauté LGBTQI de plus de 50 ans.
Pour le groupe GreyPRIDE Côtes d’Armor vous pouvez contacter:
Claude PERQUIN – Animateur réseau GreyPRIDE – Cotesdarmor@greypride.fr
Le groupe faceboock: GreyPRIDE côtes d’Armor www.facebook.com/groups/690736681676224
Au niveau national: contact@greypride.fr
groupe facebook: www.facebook.com/groups/gayandgrey
Plus d’informations sur www.greypride.fr
